Contre-Projet, Géographie des Grands Projets et mobilisations

L’eau et sa gestion… publique

Décolonisons nos imaginaires techniques de la ville

Le mercredi 7 mai 2014, le Conseil d’Agglomération se penche sur le retour en régie publique de l’eau. Belle victoire des associations, mais attention à ce que ne soit pas une victoire à la Pyrrhus !

Pendant les débats sur l’eau (le 25 juillet, 2013), le futur maire de Montpellier – un homme de convictions – dort (https://www.youtube.com/watch?v=znfB5NVY3rA, à 1 h 54 min 58s). Toutefois, avant cela, il a parlé pour annoncer qu’il votera contre la DSP en raison de la méthode  antidémocratique adoptée et du fait que l’eau est un « sujet trop fondamental ». Mais en quoi ? Nous n’en saurons rien. Si ce n’est qu’il aurait fallu, selon lui, réfléchir à « l’aménagement, pour l’eau, du territoire beaucoup plus adapté », « l’affaire d’une année »… Puis, tout sourire et plein de tendresse, il ajoute que tout ceci n’est en « rien contre l’affection que je porte à mon amis Louis Pouget qui est passionné par ce sujet, qu’il travaille depuis des années ». (https://www.youtube.com/watch?v=JucUPGVnEyA, à 36 min 53s). Un homme de convictions on vous dit.

Puis, campagne aidant, Philippe Saurel, toujours habité par des convictions ancrées, s’est engagé pour le retour en régie de l’eau ; un VP PG (Vice président, parti de gauche), un peu seul,  a même été élu pour cela… Evidemment, ce n’est pas encore fait. Mais on peut penser que Philippe Saurel a compris certains des arguments des partisans (courageux et tenaces, eux) du retour en régie : le contrôle social, le coût de l’eau, la qualité de l’entretien du réseau public et les profits faits par les grandes entreprises sur le dos des habitants et des collectivités. C’est là où, toutefois, nous avons quelques craintes sur ses intentions, enferré qu’il est dans un découpage classique du productivisme urbain : « concilier deux ambitions… celle des grands équipements, des grands quartiers et l’échelle de la vie quotidienne, des usagers de la ville » (MNV n°388 avril-mai 2014).

En fait, s’il est une chose de se prononcer à juste titre pour une gestion publique des biens communs (ex : l’eau)… il en est clairement une autre de réellement débattre du comment et du pourquoi on en est arrivés là, pour alors éviter ainsi un éternel retour du même : la ville comme machine technique du capitalisme post-industriel.

La question du mode de gestion n’épuise pas les problématiques de l’eau, bien au contraire. Elle peut même camoufler la principale, tout en la perpétuant : quel développement de notre ville et pour quelle vie ? Car, si revenir en régie c’est pour avoir une gestion technique, mais publique, de l’attractivité démesurée, des réseaux sans fin, et du coût prohibitif, à quoi cela sert ? Voilà peut-être le danger premier : faire du collectivisme productif le confort du capitalisme urbain !

Le développement frénétique de la ville, à coups de grands projets inutiles (comme la Métropole) implique une technicisation de l’eau et de ses débats :  détournement de fleuves ; développement des réseaux de canalisation (des véritables autoroutes) ; multiplication des bassins de rétention pour que cela soit de véritables cathédrales souterraines où ces « espaces verts » que l’on nous vend pour des parcs ; centres de gestion informatisés des réseaux d’assainissement dignes de Star Wars ; usines de traitement de l’eau potable toujours plus sophistiquées avec une physico-chimie toujours plus performante et courant après la pollution qu’engendrent nos villes toujours plus denses et grosses ; murailles élevées pour protéger les habitations construites en zone inondables ; bétonnage des berges des fleuves voire canalisation… Ce ne sont que les conséquences sur l’eau de la monstruosité du développement de nos villes.

Comme pour les habitants dans ces villes, il faut circuler, gérer les flux… Et, tout cela peut, hélas, être aussi fait en régie publique !

D’ailleurs, quel contrôle social possible lorsque la gestion de l’eau se technicise à ce point ? Les experts-techniciens auront toujours les réponses aux questions qu’ils posent eux-mêmes. Et puis la technologie cela rapporte : ça devient obsolète, ça progresse, ça innove. Ne nous inquiétons pas pour Veolia, Saure et cie, même en régie, ils vont y trouver leur compte. Car il y a toujours des choses à déléguer, les plus techniques ou les plus ingrates, voire dangereuses.   Que le Conseil général du Val-de-Marne s’enorgueillisse d’un service public d’assainissement qu’il fête à travers le festival de l’Oh !… n’empêche pas la Lyonnaise des eaux – Suez, d’être partenaires de l’évènement !

Dès lors, nous ne pouvons que soutenir l’appel du collectif Eau34 sur la mise en lien des thèmes de l’eau et de la ville. C’est vital. Mais, il y a dorénavant à proposer d’urgence de réelles alternatives à la technique et à son productivisme. Et l’eau, comme bien commun, en est porteuse. Toutefois, ouvrir les livres de comptes, lever le secret d’affaires… et instaurer un contrôle citoyen sur les systèmes macro-techniques et leurs plus-values obscènes… ne suffiront pas. Porter le fer seulement par l’expertise technique (enquêtes publiques sur les infrastructures), juridique (passations de marché en urbanisme) et financière (capitalisations foncières des promoteurs) ne permettra pas de décoloniser nos imaginaires technicistes de la ville. Au contraire.

Ce fut l’une des volontés du Projet Alternatif élaborée pour la ville par ses Habitants en 2013 (http://issuu.com/daphnevialan/docs/fascicule_definitif-140130?e=0). Ce sera l’un des objectifs de l’Atelier Habitant Permanent sur la Ville à compter des 16 et 31 mai prochain.

Im-pausons nous !

 

 

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