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POURQUOI NOUS NOUS OPPOSONS A LA MARCHANDISATION DE NOTRE VILLE

Montpellier, ou le livre noir des Grandes Métropoles Inutiles

On les entend déjà, les grands économistes et autres apôtres de la bienfaisante « croissance économique », les cassandres de la déclinologie de l’économie territoriale, nous reprocher d’être contre les échanges, qui font la richesse d’une ville. A ceux-là, nous voulons répondre que ce sont des échanges bien figés et une richesse bien pauvre qu’ils défendent.

Oui, la ville vit des échanges, elle naît aux carrefours, où les gens se croisent, les liens se tissent, la solidarité se crée. Le problème survient quand ce carrefour prend une majuscule pour devenir une enseigne commerciale, quand la ville n’est plus qu’un immense Carrefour de marchandises, quand le centre commercial est l’unique modèle de rencontres, d’échanges et d’aménagement urbain. Au détriment d’une autre richesse, celle des rapports humains, sociaux… francs, sans euros.

En fait, cette marchandisation de la ville repose sur trois phénomènes, dont Montpellier est à ce jour le parangon. Ces phénomènes, promus par des choix politiques de nos chefs d’entreprises urbaines, forment un système, celui de la métropole néo-libérale : compétition économique, standardisation architecturale et homogénéisation environnementale, déni démocratique et exclusion sociale.

Attractivité, compétition et hiérarchie

Il est une idée commune bien ancrée que la ville doit attirer « Lécapitaux ».

Et les décideurs de tous horizons regorgent de solutions pour répondre à cet étrange impératif. Pourquoi ? Parce qu’aujourd’hui, il faut être com-pé-ti-tif. Comme une entreprise, il faut se montrer « excellent », « surdoué », « audacieux », pour que Lécapitaux viennent ici et pas ailleurs. Il y a les villes qui les attirent, et les villes qui les repoussent. Il faut choisir son camp : veut-on son Ikea, son magasin Nespresso, son enseigne Zara ? Dans cette lutte acharnée au prestige, l’objectif est bien de trouver des biens inutiles (comme l’eau, une ancienne Mairie…), des espaces qui ne servent à rien (zones agricoles, espaces naturels, terrains de sports, parcs, friches, squats…), pour les vendre à des in-ves-tis-seurs (Montcalm, Faux amis du Père Prévost, Jardins de la Reine, Gardiens de la Gardiole…) : grandes entreprises, grandes enseignes, promoteurs immobiliers, touristes… Et ils viennent du monde entier, par Easyjet ou Ryanair.

Pour une compétition effrénée entre villes, leurs chefs de clans et niches économiques. Mais, ils arrivent aussi par le train, directement en centre-ville. La belle aubaine ! Et de nos décideurs, toujours les mêmes, d’implanter un grand hôtel face à la gare, qui elle se transforme en galerie marchande et en « parc urbain intelligent » par la même occasion. Et comme ils innovent, c’est l’occasion de moderniser les anciennes halles de marché… marché où les primeurs et autres étalagistes ont du mal à tenir (association des Halles Laissac). Mais qui sait, peut-être que les prochains jeunes habitants dynamiques (les « Antoine », hyperconnectés, hypermobiles, hyperactifs…) s’arrêteront faire leur marché, en allant siroter un Nespresso juste avant d’aller chez Chanel ?

Standardisation architecturale et homogénéisation environnementale

Pour les attirer, il faut répondre à des critères internationaux d’attractivité : des standards.

Les rues doivent être larges, la verdure faire exotique, les bâtiments prétentieux et faussement audacieux pour ne pas déroger à l’image du slogan abrutissant qui surgit à chaque angle de (g)rue, avec beaucoup de couleurs et de décrochements, signés par des « grands architectes » venus du monde entier (aucun architecte et encore moins urbaniste ne résident, bien sûr, dans notre belle métropole). Ils s’en donnent à cœur joie comme des enfants joueraient aux « Lego », standardisés eux aussi. Les matériaux de construction ne doivent pas être identifiés comme provenant d’une région particulière, et encore moins être locaux. Il doit toujours faire beau sur les images de synthèse, avec beaucoup de transparence. Oui parce qu’aujourd’hui, la ville est légère. On construit, on bâti toujours plus haut, mais ça flotte, rassurez-vous on n’abîme pas le sol. Chacun se doit d’y être propre, jeune et bio. Même la nature est urbaine et l’eau a ses bassins comme d’autres ont leurs centres… de rétention (pour les indésirables). Tout le monde respire : inspiration/expiration, densification/extension… Ne surtout pas oublier d’avoir un slogan en anglais, marque commerciale de la ville.

On obtient une homogénéisation des formes et une ville standardisée, avec un petit centre-ville ancien (où les petits commerces cèdent la place à une grande enseigne), un immense quartier des affaires tout neuf (pour les entreprises), des zones résidentielles de plus en plus de l’entre soi et du contrôle social… et le reste (pour les autres). Une ville innovante, c’est sûr, tant elle sert de plateau de jeu à une élite savamment organisée, aux commandes de l’outrageux profit des capitaines d’industrie commerciale. Il faut croire que les « élus du peuple », nos dirigeants transformés en agents immobiliers se sont pris dans la spirale infernale tant ils peinent à trouver des solutions adéquates. Du coup, pour se faire re-re-élire, ils sont obligés de s’inventer des super-pouvoirs… qu’ils n’ont pas.

Harry Potter, dégaine ta baguette et jette un bon sort de « démocratie » sur cette ville !

Fragmentation, ségrégation et exclusion

Mélangez tout ça, en prenant bien soin au préalable de séparer les riches et les pauvres.

Un pauvre pourrait compromettre un investissement dans un espace donné, car il a une mauvaise image : il vole, il agresse les vieilles dames, et il sent mauvais. Il doit donc pouvoir accéder aux espaces « attractifs » uniquement la nuit, pour nettoyer les tâches. Le jour, qu’il reste dans son quartier, pour en être une. Pour en être bien sûr, ne pas hésiter à utiliser le mobilier urbain pour aseptiser l’espace public : empêcher de s’asseoir et de se coucher, créer de larges espaces vides réservés à la circulation et la consommation, de grandes esplanades dallées nettoyables au karcher, vidéo-surveiller un peu partout… Cela favorise le tri et organise la bonne discipline du citadin. Comme quoi, à Montpellier, le tri sélectif est bien organisé, mais c’est pas grâce à Nicollin. Et d’ailleurs le quartier du pauvre… héhé on pourrait le vendre ça aussi. Allez hop, on repousse le marché, on dégage les vendeurs à la sauvette, un peu de mobilier urbain, des dalles… (Rappelez-vous plan Cabanes, à l’époque, et voyez comment c’est devenu : gentiment nettoyé, ou encore notre place Salengro avec son marché et ses cafés : la Pleine Lune ne brille plus qu’à moitié).

Pareil dans les nouveaux quartiers d’habitations soit disant mixtes, mais où finalement tout se ressemble. De beaux immeubles, tous autant décorés les uns que les autres, mais où l’urbanité n’existe pas. Ici, on veut être tranquille ma p’tite dame. « Voyez pas la clôture et le portail, là ? » Cette nouvelle forme de ville ne laisse aucune place, aucune chance à celui qui ne rentre pas dans la bonne case pour y accéder. Et quand nos élus se targuent de faire de la rénovation dans les quartiers anciens, la recette paraît simple et toute à leur honneur. Facile, rapide, un bon nappage et voilà, c’est prêt ! Sauf que rien ne dit pour combien de personnes la recette… Certainement pas pour ceux qui étaient déjà là, chez eux, et qu’on éjecte ailleurs, là où ça ne fait pas rêver (Mission Grand’Cœur dans le quartier Figuerolles et autre voile de pseudo-rénovation au Petit-Bard ; Justice Pour Le Petit-Bard).

Alors quand on nous parle de solidarité, ne doit-on pas plutôt entendre « solidarité-entre-nous » ? Et les étudiants ? Certes, c’est un capital qui permet de dynamiser la culture de la ville, de la faire vivre le jour, la nuit, de diversifier ses activités. Mais ces étudiants sèment la discorde, notamment en centre-ville ? Tapageur, l’étudiant. Mais à cet étudiant, quelle place lui offre-t-on, quel espace lui met-on à disposition, près de son logement pour pouvoir vivre à son rythme sans déchainer les foudres ? En tout cas, ce ne sera pas à l’EAI…

ET TOUT CECI DANS UN DENI DEMOCRATIQUE ASSOURDISSANT

Discussion

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  1. Pingback: “Comment Sanofi se soustrait à l’impôt” – Montpellier journal - 17 novembre 2013

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